51.

Je passai un mois et demi sans revoir Will, mais il m’écrivit plusieurs fois et ses lettres en disaient plus sur sa personnalité que notre conversation. C’était un homme non seulement profond, mais également sensible. Le jour où il finit par me téléphoner, j’étais prête à le revoir. Ce n’était qu’un déjeuner, après tout, et je ne risquais pas grand-chose.

Du moins le croyais-je.

 

Un déjeuner en tête à tête avec Will Shepherd ! Même dans l’ambiance tamisée et, pour tout dire, presque sinistre de l’Oak Room, je savais que nombre de femmes auraient tout donné pour vivre un pareil moment. Certaines d’ailleurs, aux tables voisines, nous lançaient des regards en coin.

Je dois admettre qu’il était d’agréable compagnie. Charmant, chaleureux, il parlait bien et me paraissait sensible.

Aujourd’hui, quand je repense à ce déjeuner, il me vient cependant un doute affreux : et s’il avait tout répété ?

— J’aime discuter avec des gens qui ont connu les feux de la rampe, confessa Will. À condition qu’ils n’aient pas la grosse tête.

Je fis mine de prendre les mesures de mon crâne.

— Moi, ça va ?

Il se mit à rire et je l’imitai. Je savais parfaitement ce qu’il voulait dire en faisant allusion aux gens qui avaient goûté aux fastes et aux tourments de la vie de star. Il y avait quelque chose qui, indubitablement, pouvait nous rapprocher.

— Parlez-moi de Rio, glissai-je au milieu du repas. Non, après réflexion, dites-moi d’abord ce que vous avez fait de bien.

— Je n’ai pas envie de parler de moi.

D’un geste de la main, il avait écarté ma suggestion, une réaction qui me parut plutôt sympathique et originale. Ce qui m’énervait le plus, quand je discutais avec d’autres « stars », c’est qu’elles aimaient surtout parler d’elles-mêmes. J’aurais parié que Will allait se comporter de même et, visiblement, je m’étais trompée.

— Affaire classée, reprit-il en buvant une gorgée de vin, le regard dans le vide. En ce moment, je suis en pleine mutation. Je voudrais retrouver l’équilibre d’antan. Comme dans votre chanson.

— Vous finirez par y parvenir, lui dis-je gentiment.

Je lui trouvais quelque chose de touchant. Manifestement, il n’était pas tout d’un bloc, il avait besoin qu’on l’aime.

Et même si je refusais de l’avouer, la véritable vénération qu’il vouait à mes créations me flattait. Au fond de moi-même, je rêvais de prendre part à son effort de conversion.

Tout doucement, il m’implora :

— Maggie, il faut que vous m’aidiez.

— Comment ? Comment voudriez-vous que je vous aide, Will ?

Il me fixa alors d’un regard si pénétrant que je sentis mes joues s’empourprer, et me déclara :

— Faites-moi une petite place dans vos chansons.

Je fis mieux que cela : je lui offris une petite place dans ma vie. Je vivais une situation qui m’échappait totalement, comme si les astres avaient conspiré contre moi.

Quand il me demanda, non sans hésitation, de sortir avec lui, le charme inoffensif qu’il exerçait sur moi jusqu’alors se transforma en véritable fascination. Il m’accordait toute son attention, comme si j’étais pour lui la seule personne qui comptait. Pendant nos conversations, il s’isolait entièrement du monde extérieur. Il ne regardait que moi, n’écoutait que moi, me persuadait que j’étais une femme intelligente, une femme de valeur, une femme hors du commun.

Et c’est ainsi que j’ai replongé.

Au début, nos rapports furent très romantiques. Les choses se firent lentement, sans brusquerie.

Nous attendîmes même le quatrième rendez-vous avant de nous embrasser. Il était en train de me souhaiter bonne nuit après m’avoir raccompagnée à ma porte et cela arriva très naturellement. Un baiser à la fois affectueux et passionné auquel je répondis immédiatement, presque malgré moi.

Puis je le repoussai gentiment.

— Il va me falloir un peu de temps…

Will m’embrassa de nouveau, plus longuement cette fois, avec une extraordinaire tendresse. Je ressentais un mélange de plaisir et de douleur. J’avais envie de lui et, en même temps, ce besoin me faisait peur. Je savais ce qu’on racontait sur lui et j’avais des doutes sur sa capacité de changer. Mais il le voulait tellement.

Cette fois-ci, c’est Will qui s’écarta de sa propre initiative.

Il m’ouvrit la porte et s’éclipsa.

De nuit, l’allée restait éclairée. Je demeurai là un instant, le regardai s’éloigner et rejoindre sa voiture de sport. Et, bien après qu’il eut disparu dans la nuit, je continuai à regarder dans sa direction, sans trop savoir où j’en étais, et parfaitement euphorique.

LA DIABOLIQUEpourepub
titlepage.xhtml
LA DIABOLIQUEpourepub_split_000.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_001.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_002.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_003.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_004.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_005.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_006.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_007.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_008.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_009.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_010.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_011.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_012.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_013.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_014.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_015.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_016.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_017.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_018.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_019.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_020.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_021.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_022.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_023.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_024.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_025.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_026.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_027.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_028.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_029.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_030.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_031.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_032.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_033.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_034.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_035.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_036.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_037.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_038.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_039.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_040.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_041.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_042.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_043.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_044.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_045.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_046.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_047.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_048.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_049.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_050.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_051.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_052.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_053.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_054.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_055.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_056.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_057.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_058.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_059.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_060.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_061.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_062.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_063.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_064.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_065.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_066.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_067.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_068.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_069.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_070.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_071.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_072.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_073.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_074.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_075.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_076.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_077.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_078.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_079.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_080.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_081.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_082.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_083.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_084.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_085.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_086.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_087.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_088.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_089.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_090.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_091.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_092.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_093.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_094.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_095.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_096.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_097.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_098.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_099.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_100.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_101.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_102.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_103.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_104.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_105.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_106.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_107.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_108.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_109.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_110.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_111.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_112.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_113.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_114.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_115.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_116.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_117.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_118.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_119.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_120.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_121.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_122.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_123.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_124.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_125.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_126.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_127.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_128.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_129.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_130.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_131.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_132.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_133.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_134.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_135.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_136.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_137.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_138.htm